1,9 million de personnes vivent aujourd’hui avec une déficience visuelle ou une cécité provoquée par le trachome. Ce chiffre, sec et glaçant, donne la mesure d’une maladie oculaire qui sévit encore dans 42 pays et continue de menacer la vue de 125 millions d’habitants, selon les données publiées par l’OMS en juin 2022.
Généralités sur le trachome
Le trachome frappe là où l’hygiène et l’accès à l’eau font défaut. C’est une infection oculaire causée par la bactérie Chlamydia trachomatis, qui se faufile d’une personne à l’autre par contact direct, tissus souillés ou simple passage de mouches. En tête des infections responsables de cécité dans le monde, cette maladie continue de peser lourdement sur des pays entiers.
Les enfants, exposés en permanence, constituent la première cible. La maladie circule souvent entre petits compagnons de jeu, ou entre les enfants et leur mère, surtout lorsque le manque d’eau courante et la promiscuité sont la règle. Les statistiques ne laissent pas place au doute : les femmes sont jusqu’à quatre fois plus touchées que les hommes, vraisemblablement en raison de leur proximité avec les enfants malades.
A force de récidives, la paupière finit par se retourner, conduisant les cils à griffer la cornée à chaque clignement. Les années passent, les lésions s’accumulent, et c’est la perte irréversible de la vue qui guette les plus âgés.
Plusieurs réalités aggravent la propagation du trachome, souvent dans l’indifférence. On peut mentionner les facteurs suivants qui favorisent la diffusion de l’infection :
- hygiène insuffisante ;
- habitats surpeuplés ;
- accès limité à l’eau propre ;
- absence ou mauvais entretien des infrastructures sanitaires ;
- recours à des solutions d’assainissement peu adaptées.
Diagnostic et traitement du trachome
Repérer le trachome repose sur un examen attentif de l’intérieur de la paupière, à la recherche de petits follicules ou de cicatrices signalant l’inflammation. Quand la maladie progresse, l’apparition de cils frottant contre l’œil reste un signe évident de la gravité atteinte.
Aussi redoutable soit-il, le trachome ne condamne pas forcément à la cécité. L’Organisation mondiale de la Santé mise sur sa méthode CHANCE, Chirurgie, Antibiotiques, Nettoyage du visage et Changement Environnemental, une approche combinant traitement médical et modifications durables des conditions de vie. Le but : supprimer la transmission, soigner l’infection et corriger les séquelles s’il le faut.
En 2021, ce sont 69 266 interventions chirurgicales qui ont été menées pour les formes avancées et 64,6 millions de traitements antibiotiques distribués, majoritairement de l’Azithromycine fournie par Pfizer, dans les foyers endémiques. Ce sont 44 % des zones concernées qui bénéficiaient alors de l’antibiothérapie. Beaucoup de pays accélèrent la mise en œuvre du protocole CHANCE afin de passer un nouveau cap vers l’éradication du trachome.
Prévention du trachome : les mesures à adopter
Rompre la chaîne du trachome exige des efforts quotidiens et une discipline collective. Plusieurs gestes simples mais répétés permettent déjà de réduire nettement les risques :
- Effectuer une toilette régulière du visage, idéalement avec du savon, pour éliminer les sécrétions infectieuses.
- Faire respecter l’hygiène personnelle, comme se couvrir lors de la toux, entretenir les vêtements et le lieu de vie.
- Organiser des campagnes systématiques de distribution d’antibiotiques, surtout dans les endroits où l’endémie fait rage, par exemple en Afrique subsaharienne.
- Installer des équipements sanitaires dignes de ce nom, en particulier des latrines publiques, pour mieux gérer la contamination environnementale.
- Solliciter rapidement un avis médical en cas de doute et renforcer l’information sur la santé dans les régions exposées pour interrompre la transmission.
L’association de l’accès aux soins, de l’engagement communautaire et de la prévention sanitaire constitue le socle sur lequel construire la disparition du trachome.
Situation globale et défis à venir
Le trachome reste un combat quotidien dans les coins reculés du monde et des quartiers sans ressources, où la simple idée d’avoir de l’eau propre tient du rêve. Aujourd’hui, l’OMS recense environ 142 millions de personnes vivant dans des zones à risque.
Afrique subsaharienne, Moyen-Orient, Asie du Sud-Est : ces régions concentrent la majorité des cas. Dans cet environnement, les femmes continuent de supporter une part démesurée de la charge sanitaire et sociale liée à la maladie.
Mais le drame ne s’arrête pas à la perte de la vue. Le trachome handicape la vie entière : il prive d’éducation, complique l’accès à l’emploi, isole sur le plan social et rend la prise en charge médicale plus difficile.
Pour affronter cette menace, des initiatives mondiales se sont structurées dans une seule optique : ne plus jamais laisser le trachome dicter sa loi. Depuis 2014, l’OMS mène une politique résolue s’appuyant sur un mix d’actions coordonnées : chirurgie, campagnes antibiotiques, promotion active de l’hygiène et amélioration de l’environnement.
Ce chantier ne pourrait avancer sans la mobilisation des États, des associations locales et des soignants qui tissent, sur le terrain, les réseaux d’un accès durable à la santé oculaire.
Pour que la victoire se concrétise, il faudra plus qu’accroître la couverture médicale : il s’agira d’inventer de nouvelles alliances, d’impliquer les citoyens et de renouveler sans relâche la volonté politique. Le jour où le trachome ne sera plus qu’une cicatrice dans les livres d’histoire, des millions de regards reviendront sur le monde avec l’envie d’avancer.

